Monsieur Renfield est en voyage en Transylvanie, celui-ci est chargé de conclure une transaction immobilière avec le comte Dracula. L’aristocrate vit seul dans son château des Carpates et souhaite acquérir une demeure en plein cœur de la vie citadine de Londres. Les aubergistes du pays lui déconseillent de se rendre à ce rendez-vous, lui racontant nombres de récits macabres que Renfield prend pour des superstitions de terroir.
Après un trajet peu rassurant il arrive dans un château presque totalement en ruine et est accueillit par l’étrange maître des lieux. L’acte de vente de l’abbaye de Carfax signé, Dracula laisse son hôte seul, celui-ci sera vite remarqué par quelques unes des vampires et succube de Dracula. Celui-ci intervient avant qu’elles commettent quoique ce soit et mord lui-même l’infortuné qui sera à présent son esclave dévoué. Dracula jette son dévolu sur Mina…
Ce film est le premier de ce genre réalisé à Hollywood en version sonore sur un thème fantastique qu’il permettra de populariser. L’acteur Bela Lugosi créera pour longtemps un archétype du vampire gentleman assez loin du Nosferatu de Murnau, très expressionniste, jouant sur les mouvements de caméra et les ombres. D’ailleurs on remarquera la présence en tant que directeur de la photographie de Karl Freund qui a travaillé également avec Murnau, notamment dans le Dernier des hommes. Cependant contrairement à la caméra déliée que l’on retrouve dans ce film, Freund s’est adapté dans Dracula au style plus statique de Browning. La caméra bouge peu, les travelings sont rares. Il n’y a pas tellement de recherches à ce niveau.
Le film est réalisé en partie dans des décors mais aussi en extérieur avec l’aide de quelques illusions pour la plupart réalisée avec un moyen assez simple : une glace transparente est peinte et placée devant la caméra. Par exemple lors de l’arrivée de Renfield au château du Comte, l’arrière plan sinistre, le décor naturel ou encore l’ambiance étrange du château a été ajouté de cette manière ingénieuse.
[singlepic id=328 w=320 h=240 float=right] Le film bien que sonore possède de nombreux passage muet, le Comte parle très peu. Par exemple lorsque les trois succubes sont repoussés par Dracula d’un seul geste, tout se passe dans un silence absolu. La plupart des dialogues sont également à sens unique, il n’y a que les réponses et le spectateur se doit d’imaginer ce qui a été dit et demandé par Dracula, c’est le cas avec Renfield comme avec Mina à certains moments. L’essentiel du jeu de Bela Lugosi se place d’ailleurs dans son regard lourdement appuyé, hypnotique, renforcé par des halos de lumières.
On retrouve l’inspiration allemande (Umvelt et Stimmung) évidemment dans la thématique :
Les images empreintes d’un certain romantisme avec la présence de lieux telles que les ruines du château, de l’abbaye, le cimetière.
Les jeux sur l’ambiance, la brume qui joue une grande place dans l’arrivée du comte. Une grande partie du film se passe évidemment dans la pénombre, le jour ne semble se lever que pour sauver Mina et permettre la fin de Dracula.
Et forcément le thème même du non-mort est fantastique dans son essence même. A celui-ci on peut ajouter celui de la folie vu qu’une grande partie de l’intrigue se passe dans un asile et que l’un des principaux protagonistes est considéré par la société comme fou. Même si peu à peu les personnages viennent à accepter que ce fou dit peut-être une vérité… Renfield est d’ailleurs le personnage le plus intéressant, car il semble osciller entre soumission totale et désobéissance, la raison pour laquelle il refuse de s’attaquer à Mina reste néanmoins floue.
Le principe de classes sociales est fortement ressentit, au départ Dracula ne s’attaque qu’à des petites gens, des jeunes femmes du peuple qui tombent sous son emprise, dont il se nourrit, elles ne sont que de la nourriture (ex : la petite vendeuse de violette). Dracula de part son charisme mais aussi par ses habits est un noble, il se dissimule facilement dans l’univers des salons. Et lorsqu’il s’attaque à des femmes de la haute société c’est pour en faire des égales, d’autres vampires comme il le dit lui-même. Même si en ce qui concerne Lucy, sa mort est ici très rapide alors que dans le livre ou dans d’autres versions elle prendra plusieurs semaines. Par ailleurs on ne la voit jamais en vampire, mais cela est sous-entendu par les propos de Mina.
Ce film est à voir afin de mieux comprendre l’évolution du traitement du fantastique au cinéma. Il reflète une époque, un esthétisme de perfection incarné par le noir et blanc. Chaque plan est soigneusement orchestré et servit par des « effets spéciaux » ingénieux. Et si on est loin des effusions sentimentales d’une version de Francis Ford Coppola, ce film a le grand mérite d’avoir donner naissance à un genre et un stéréotype qui n’allait faire que se développer et croître tout le long du XXème siècle.