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Les fées de la dune

 

La Grande Lande est, on le sait, le pays des fées. Elles habitent, dit-on, sous les dunes.Il était une fois un berger qui gardait ses moutons au coeur de la Grande Lande. C'était un endroit désert, infiniment plat, où seule était construite une petite grange en bois. Près de là, était un petit étang où les bêtes allaient boire et une grande pelouse où l'herbe poussait à peine.
Ce berger aimait la solitude et ses compagnons le trouvaient même fier. Il est vrai qu'il savait un peu lire et cela lui attirait bien des jalousies.
- Tu sais lire mais tu sens le bouc comme les autres.... lui disait-on.
Il laissait dire et n'en faisait qu'à sa tête.
ll savait que l'on racontait parfois qu'il y avait des bruits étranges sous le sable de la dune. Il savait aussi que c'était vrai. En gardant son troupeau, il en avait entendus de toutes sortes : comme si on lavait la vaisselle, comme si l'on jouait avec des billes de cristal. Parfois, il y avait de grands éclats de rire. Beaucoup de monde semblait vivre là, et bien vivre.

C'était l'été. Le soleil tapait dur et on laissait les moutons dehors pour la nuit. Il faisait un beau clair de lune et les étoiles étaient filantes.
Le berger s'installa près d'une chandelle pour lire le livre qu'il avait dans son sac. Pour l'instant, il regardait le ciel.
À minuit, la dune s'ouvrit juste par le milieu, devant lui. Il entendit une voix de femme qui disait gentiment :
- Petite, va voir ce qui se passe sur la dune.
Le berger vit alors venir vers lui une très jolie petite fille.
- Mère, dit-elle, je vois un berger assis sur une touffe de bruyère.
- Dis-lui de descendre ici. Et qu'il n'ait pas peur pour son troupeau.
La fillette s'approcha du berger.
- Il faut que vous veniez chez nous. N'ayez aucune crainte pour votre troupeau.
Le berger comprit que l'aventure était doucement venue à lui. Je ne peux pas manquer cela, pensa-t-il. Il suivit donc la fillette et descendit sous la dune.
Il arriva dans la salle d'un logis si beau, qu'il n'en avait jamais vu de pareil. Il y avait des miroirs partout, de la vaisselle d'argent et les meubles brillaient comme de la rosée au soleil.
Par hasard, il regarda en passant dans un miroir, et il fut stupéfait d'y voir les autres bergers, juchés sur leurs échasses, surveiller les troupeaux qui s'étendaient à l'infini. Ici et là, il y avait des arbres gigantesques qui étaient les seules montagnes de ce pays.
Il vit soudain un groupe de jeunes femmes qui riaient en parlant de lui. Elles étaient belles, gracieuses et faisaient plaisir à voir. Il y en avait une, toute jeune, avec sur les cheveux une couronne de bruyère et d'ajoncs fleuris.
- Berger, dit-elle, ne t'occupe pas de tes brebis. Profite de ta venue ici. Restaure-toi et repose- toi. On t'a trouvé du vin de sable qui ne te fera pas mal.
En fait, il y avait des mets exquis auxquels il n'avait, jusqu'à présent, jamais goûté.
- De ma vie, je n'ai aussi bien mangé, se dit-il.
Les fées le conduisirent ensuite à un lit en beau bois rose de cerisier, où il n'osait pas se coucher.
- Ce n'est certes pas le grabat de la grange avec son matelas de vieilles fougères sèches, se dit- il.
Il s'endormit délicieusement.
Quand il s'éveilla, une douce lumière apparut à son chevet et il prit le livre qu'il avait dans son sac. Et il se mit à lire, à lire...
- Ne t'inquiète pas, berger, disait une voix. Quand la dune s'ouvrira, tu pourras retourner avec tes moutons.
À minuit, la dune se rouvrit et il put s'en aller.

Le troupeau était à sa place et bien rassasié. Il n'eut donc plus d'inquiétude à attendre minuit en regardant les étoiles filantes.
Désormais, il allait régulièrement chez les fées.
Il y en avait une qui était pour lui plus belle que les autres. Ils se prirent facilement d'amitié.
Les autres bergers ne le virent plus à la surface de la lande.
- Où te caches-tu ? lui demandait-on.
Mais il ne pouvait parler. Il était désormais seulement mieux vêtu. Il sentait plutôt la fleur d'ajonc que le bouc, et surtout, il avait dans ses poches de belles pièces d'argent que lui donnaient les fées. Quant à son troupeau, il prospérait mieux que les autres. Jamais une brebis ne s'égarait, même, semblait-il, elles ne voulaient pas se mêler aux autres.
Les bergers parlèrent beaucoup de cela, et deux d'entre eux voulurent en avoir le coeur net. Ils se mirent à surveiller celui qui avait rendez-vous avec les fées.
Un soir, à minuit, ils le virent se glisser vers la dune de Boumbet. Le berger essayait de se cacher derrière les bruyères et les genêts mais ils réussirent à le suivre. Ils arrivèrent juste à temps pour le voir s'engouffrer dans la dune.
Cela suffit pour que tout le monde parle de cet événement, d'Arengosse à Labouheyre, de Cantegrit à Luglon. On sonna même les cloches au clocher de Sabre. Un tel vacarme alerta les fées et plus jamais la dune ne s'ouvrit au berger. Il eut beau lire et relire tous ses livres, pleurer toutes ses larmes, la dune ne bougea plus.

Pauvre il avait été, pauvre il redevint. Et pourtant, il resta toujours au même endroit, personne n'aurait pu le faire changer. Il était bien là. Certains disent l'avoir vu marcher sur la dune et frapper le sol avec son bâton, comme quelqu'un qui frappe à une porte...

 

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