Il était une fois un pêcheur qui vivait au bord d'un fleuve. Toute la journée, il pêchait à la ligne ou au filet, mais prenait aussi le gibier, surtout les lièvres et les antilopes, au collet ou dans les pièges.
Un jour, lorsqu'il était en train de pêcher à la ligne, un gros poisson mordit.
" Quelle belle prise ! " se félicita le pêcheur.
Il tira de toutes ses forces et sortit de l'eau l'Esprit Dju-Dju. Celui-ci tenait une énorme hache à la main et riait comme un dément. Épouvanté, le pêcheur arriva tout juste à articuler :
" Que fais-tu ici ? "
Dju-Dju rit de plus belle :
" J'ai voulu juste t'agacer un peu. "
Lorsque le pêcheur comprit que Dju-Dju n'était pas le monstre féroce pour lequel il le prenait, mais plutôt un farceur, il prit son courage à deux mains :
" Alors, ne recommence plus ! À la place du gros poisson que j'attendais, c'est toi que j’ai pêché. Au lieu de m'aider, tu viens jouer les trouble-fête. "
" Je ne vois pas pourquoi je devrais t'aider. "
Le pêcheur toisa Dju-Dju et conclut :
" Tu as raison. Comment pourrais-tu m'aider ? Tu as autant de force que la vapeur qui sort d'une marmite. Tu tiens à peine sur tes jambes. "
Dju-Dju se vexa :
" Moi, j'ai autant de force que la vapeur au-dessus d'une marmite ? Viens, nous allons mesurer nos forces. "
" D'accord. "
Au bout d'un moment de réflexion, Dju-Dju décida :
" Voyons qui de nous deux lancera cette hache le plus haut. "
Il regarda le ciel et scruta les environs avant de lancer la hache en l'air.
Le pêcheur voulut savoir :
" Qu'as-tu à regarder ainsi autour de toi ? "
" Je ne voudrais pas que la hache me retombe sur la tête. "
C'est alors que la hache retomba dans le fleuve, soulevant des trombes d'eau qui vinrent arroser les deux rives. Dju-Dju, qui avait plongé pour récupérer sa hache, n'émergea qu'au bout d'un bon moment :
" J'ai eu du mal à la dégager. Elle s'était enfoncée profondément dans le fond de la rivière. "
Il tendit sa hache au pêcheur :
" À toi de lancer ! "
Le pêcheur, qui avait déjà bien du mal à la soulever, déclara :
" Je n'ai même pas besoin de regarder autour de moi. Une fois que je l'aurai lancée, elle ira se ficher tout droit dans le ciel et ne retombera plus. "
Dju-Dju prit peur :
" Attends, ne la lance pas. Ce serait dommage de perdre une si belle hache. Faisons plutôt une course à pied. "
Le pêcheur fut d'accord :
" Courons jusqu'au bout de ce sentier que les antilopes empruntent pour aller à l'abreuvoir. "
Il avait creusé un trou dans ce sentier et l'avait couvert avec des branches, espérant y piéger une antilope imprudente. Dju-Dju s'élança et tomba dans le trou. Le temps qu'il mit à en sortir permit au pêcheur d'arriver au bout du sentier.
" Tu as encore perdu ! " rit-il. " Veux-tu que nous continuions à mesurer nos forces ? "
" Je veux bien, mais cette fois, c'est à toi de choisir le mode de compétition que tu préfères. "
" Nous allons pêcher et nous verrons bien qui de nous deux prendra le plus de poisson ", proposa le pêcheur.
Il prêta au stupide Dju-Dju une canne et ils se mirent à pêcher. Dju-Dju n'avait encore jamais pêché, si bien qu'il n'arrêtait pas de courir au bord de l'eau, tandis que le pêcheur sortait des poissons de l'eau l'un après l'autre.
Bon joueur, le pêcheur lui conseilla :
" Tiens-toi tranquille, sinon tu vas effrayer les poissons et n'attraperas rien du tout. "
" Je ne peux pas rester sans bouger ", répondit Dju-Dju. " Il faut que je coure sans relâche ou au moins que je remue. "
" Dans ce cas, il vaut mieux que je t'attache à un arbre. "
Dju-Dju acquiesça :
" D'accord, mais attache-moi solidement. "
Le pêcheur l'attacha à un arbre qui poussait au bord de l'eau, en serrant la corde tant qu'il put. Bien qu'il restât sans bouger, Dju-Dju ne prit pas de poisson. À la fin, il en eut assez :
" Cela suffit Détache-moi ! "
" T'avoues-tu vaincu ? " questionna le pêcheur.
" Oui, j'ai perdu, mais détache-moi ! Pour moi, c'est une terrible épreuve de rester ainsi sans bouger. "
Le pêcheur ne l'entendait pas de cette oreille :
" Non, je ne te détacherai pas. Tu en profiterais pour m'importuner encore. "
" Je ne t'ennuierai plus jamais ! " promit Dju-Dju.
" Est-ce bien vrai ? "
" Parole de Dju-Dju "
" Et tu rabattras le poisson dans mes filets ? "
" Oui. "
" Et le gibier dans mes pièges "
" Oui ! oui ! Mais détache-moi " pleurait Dju-Dju. " Il faut que je coure ou que je remue un peu "
Le pêcheur délivra Dju-Dju qui, depuis ce jour, rabattit le poisson dans ses filets et le gibier dans ses pièges. Les villageois qui lui achetaient son poisson et son gibier furent consternés par l'abondance de ses prises. Le pêcheur devint un homme riche et important, et tout cela parce qu'il avait Dju-Dju pour serviteur.
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