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Le singe et le chameau
Recherche par Arduinna

Un singe, juché à la cime d'un arbre, examinait les environs. Ainsi son regard tomba sur un verger de pêchers, situé de l'autre côté de la rivière. Il dut en avaler sa salive, tant la vue des beaux fruits sucrés lui faisait venir l'eau à la bouche. « Si je pouvais y arriver ! » se disait-il, « mais comment traverser la rivière ? » Il constata alors qu'à côté du verger de pêchers s'étalait un joli champ de canne à sucre. « J'ai trouvé », se réjouit-il aussitôt, et il dégringola de son arbre, pour aller trouver son compère le chameau.
- Compère, où que j'aille, je pense toujours à vous. J'ai découvert un champ de canne à sucre qui ferait votre affaire, dit le singe au chameau.
- Où se trouve ce champ ? demanda l'autre, alléché.
- Il faut traverser la rivière, puis vous prenez à droite, vous allez tout droit, puis vous tournez à gauche, et vous voyez le champ sur votre droite.
- Jamais je ne me souviendrai de tout ça, objecta le chameau, ne voudrais-tu pas avoir l'amabilité de m'y conduire ?
- Mais avec plaisir, approuva tout de suite le singe, seulement, je ne peux pas traverser la rivière, je ne sais pas nager.
- Qu'à cela ne tienne, je sais nager, moi, dit le chameau, je te porterai sur mon dos jusqu'à l'autre rive.
Le singe grimpa donc sur le dos du chameau, s'installa confortablement entre ses deux bosses, et le chameau traversa la rivière à la nage. Quand ils furent arrivés au champ de canne à sucre, le singe dit à son compagnon :
- Compère, tandis que vous restez ici, je vais aller guetter par là, du côté du verger de pêchers, d'où on a vue dans tous les sens. Je crains que le veilleur ne vienne vous surprendre.
- Tu es bien aimable, dit le chameau, qui ajouta, et je ne sais pas comment je pourrais te rendre ta gentillesse.
Le chameau se mit à brouter de la canne à sucre, et le singe se hâta d'aller au verger. Il grimpa sur le premier pêcher rencontré, et se jeta sur les pêches, se les fourrant l'une après l'autre dans la bouche. Comme elles étaient sucrées, comme elles sentaient bon ! Il en avait le menton tout dégoulinant de jus poisseux. Quand il en eut mangé jusqu'à plus faim, il retourna au champ de canne à sucre. Le chameau continuai à brouter.
- Nous devrions rentrer, maintenant, dit le singe, que l'attente agaçait.
- Attends encore un moment, demanda le chameau.
- J'aimerais mieux que l'on s'en aille, insista le singe.
- J'arrive, j'arrive, prends un peu patience, pleurnicha le chameau.
- Compère, si vous ne venez pas tout de suite, j'appelle le gardien, menaça le singe, déjà irrité d'attendre.
- N'en fais rien, je te prie, il me battrait ! dit le chameau, effaré.
- Et pourtant je vais l'appeler ! dit méchamment le singe, qui se mit à crier à pleins poumons :
- Holà, le garde ! Viens vite ! Il y a un chameau dans tes cannes à sucre ! Si tu ne viens pas, il tondra le champ !
- Tu es fou, ou quoi ? demanda le chameau. Le singe courut vers la rivière, tout en continuant à appeler le garde. Ce dernier, qui dormait comme une souche, fut réveillé par ces cris, sortit de sa cabane, se munit d'un bon gourdin et courut vers le chameau. Des coups se mirent à tomber dru sur l'échine du malheureux qui prit ses pattes à son cou et courut de toutes ses forces vers la rivière. Le singe l'y attendait, caché dans un buisson.
- Pauvre compère, plaignait-il le malheureux chameau, en le voyant arriver tout meurtri. Pourquoi ne m'avez-vous pas écouté, et n'avez-vous pas laissé ces cannes à sucre, vous auriez évité cette bastonnade.
- C'est de ta faute, pourquoi as-tu appelé le gardien ? lui reprocha le chameau.
- Moi, j'ai appelé le gardien ? s'étonna alors le singe, véritable comédien.
- Qui d'autre l'a appelé, si ce n'est toi ! s'indigna cette fois vraiment le chameau.
- Vous avez cru cela, compère, mais je vous assure que je n'ai pas crié, insista le singe.
- Tu n'as pas crié, et moi je n'ai pas reçu de volée de coups de bâton, j'ai seulement rêvé, déclara le chameau d'un ton qui mit fin à la discussion.
Le singe se gratta un moment la tête, puis il finit par se hasarder à dire :
- Ma foi, compère, c'est possible, après tout, que j'ai crié. Je suis parfois si nerveux que je crie sans trop savoir ni pourquoi ni comment, c'est une maladie, je n'y peux rien.
- Ça va comme ça, dit le chameau, n'en parlons plus. Monte sur mon échine, et rentrons.
Le singe, sans hésiter, grimpa vite sur le dos du chameau et s'installa confortablement entre ses deux bosses. Le chameau entra dans le courant. Quand ils furent au milieu de la rivière, le chameau cria soudain :
- Je vais nager sous l'eau ! Je vais nager sous l'eau !
- Qu'est-ce qui vous prend, compère ? Et moi, qu'est-ce que je vais devenir ?
- C'est que je suis parfois si nerveux que je dois nager sous l'eau sans trop savoir ni pourquoi ni comment, c'est comme une maladie, je n'y peux rien, dit le chameau qui plongea sous la surface.
- Je vais me noyer ! Je me noie ! hurla le singe, en se retrouvant à l'eau. Par chance, la rivière était peu profonde, le singe prit un bon bain, mais parvint à s'en tirer. Il avait reçu une leçon bien méritée pour sa malice et son ingratitude.


 

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