Comment le lama aida les pauvres.
Recherche par Arduinna
Il était une fois un pauvre lama, si pauvre que les
autres retroussaient le nez, quand il se présentait en un monastère, et n'eût été son
froc tout déteint, ceint d'une bande orange, personne n'aurait vu un lama en ce pauvre
hère. Et ce lama nétait pas plus versé que cela en la prière, par contre dans
les contrées qu'il traversait il protégeait toujours les pauvres contre les riches, et
les aidait comme il le pouvait.
Un jour, c'était en hiver et il gelait à pierre fendre, la bise glacée perçait
jusqu'à la moelle des os, le lama allait par la campagne, sous son froc miteux, quand il
rencontra quelques paysans. Les malheureux, transis de froid, soufflaient dans leurs mains
glacées, mais sans parvenir à les réchauffer.
- Pourquoi n'allez-vous pas boire un verre de vin ? Cela vous réchaufferait, leur dit le
lama, qui avait pitié d'eux.
- Bien sûr, un verre de vin, on le boirait bien ! répondirent les paysans en poussant un
soupir. Mais un vieux proverbe le dit bien : si vide est ton gousset, n'entre pas au
cabaret ! Et où prendrions-nous l'argent pour boire ?
- Attendez, leur proposa le lama, allez en avant, et attendez-moi au monastère du
village. Je vous y rejoindrai bientôt.
Là-dessus, il se dirigea vers l'auberge voisine.
- Ah ! Voilà un hôte bienvenu, lui dit l'aubergiste en l'accueillant avec un large
sourire. Que puis-je vous servir, honorable lama ?
- Venez prendre un verre avec nous, très honoré lama ! le convièrent à leur table
quelques riches fermiers qui se donnaient du bon temps autour d'une cruche de vin.
- Excusez-moi, mes bons amis, mais aujourd'hui je ne puis m'attarder. Je suis pressé.
Mais j'emporterais volontiers un peu de vin avec moi, dit le lama, tout en retirant de
sous sa robe une bouteille vide.
L'aubergiste la lui remplit de vin jusqu'à plein bord. Le lama la fourra sous sa robe,
fit demi-tour et se dirigea vers la porte.
Et alors ? On ne paie pas ? l'interpella l'aubergiste.
Je n'ai pas d'argent, je suis un pauvre lama errant, répondit l'autre, déjà à la
porte.
- Si tu n'es qu'un pauvre lama, tu n'as qu'à boire de l'eau ! s'exclama l'aubergiste,
irrité. Verse immédiatement ce vin dans le tonneau d'où il vient, et file vite !
Le lama obtempéra, revint vers le comptoir, reversa le contenu d'une bouteille qu'il
sortit de sous sa robe dans le tonneau. Les riches fermiers attablés riaient à gorge
déployée. Le lama baissa la tête, esquissant un salut, se retourna et sans un mot, il
quitta l'auberge.
Au monastère, déjà les paysans pauvres l'attendaient avec impatience.
Le lama retira de sous les plis de sa robe en guenilles une bouteille de vin qu'il offrit
aux hommes pour qu'ils se la partagent.
- Honoré lama, où avez-vous eu de l'argent pour payer ce vin ? demanda l'un des paysans.
Le lama se mit à rire, et sortit de sous sa manche la deuxième bouteille, vide
celle-là, et il dit :
- Quand je suis entré à l'auberge, j'avais deux bouteilles dans mes grandes poches, une
vide et une remplie d'eau. La bouteille vide, l'aubergiste l'a d'abord remplie de vin.
Quand il apprit que je n'avais pas d'argent pour le payer, il a voulu que je reverse le
vin dans le tonneau. Il était très fâché. Alors, moi, je me suis dit que cela ne leur
ferait pas grand mal, aux riches, de boire du vin coupé d'un peu d'eau ... Buvez, mes
amis, réchauffez-vous et prenez un peu de forces, poursuivit le lama, dites-vous bien que
ce n'est pas un péché de duper un riche. Bouddha est d'accord avec ce principe. Si je
n'avais pas un peu trompé cet aubergiste, vous auriez pu périr de froid, et si vous
étiez morts de froid, jamais vous n'auriez su combien le vin est bon !
Ayant dit, le lama fit demi-tour et alla s'incliner très profondément devant une statue
de Bouddha.
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