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La Jeune Fille et le Dragon
Japon
Recherche par Elista

Dans les temps anciens vivait un puissant Empereur, qui avait été frappé d’une étrange maladie. La folie s’emparait lentement de son esprit. Les premiers effets de cette démence se traduisirent par une humeur changeante : il devenait par moments extrêmement irritable, à tel point qu’un jour il exila l’un de ses plus fidèles serviteurs, un samouraï valeureux, à cause d’une offense minime. Le samouraï, injustement banni, dut se soumettre à la volonté de son souverain, et il fut emmené dans les îles Oki où il était censé demeurer jusqu’à la fin de ses jours.

Prisonnier de l’îlot rocheux, le guerrier ne songeait qu’à une seule chose : sa chère fille, Tokoyo, qu’il avait dû laisser seule au pays. Il se rappelait avec tristesse la belle jeune femme aux cheveux de jais, pâle comme une fleur blanche, forte et courageuse, et il se demandait avec inquiétude ce qu’elle devenait, privée de la protection et de l’affection de son père.

Tokoyo avait été bouleversée par la sentence inique prononcée à l’encontre de son père. Loin de se résigner à son sort, elle décida de partir seule à sa recherche afin de le délivrer. Elle s’arma d’une dague et se mit en route, animée d’une farouche détermination.

Elle voyagea longtemps, suivant la côte de l’île de Honshu, jusqu’au jour où elle parvint dans la province nordique de Hoki. Du haut d’une falaise, on pouvait entrevoir au loin l’île battue par les vents où son père se trouvait. Mais la mer tempétueuse représentait un obstacle infranchissable à la nage. Tokoyo demanda donc à des marins de l’emmener là-bas sur un bateau. Hélas, de sinistres rumeurs couraient à propos d’un dragon qui vivait dans les parages de cette île. Nul n’osait prendre le risque d’emmener là-bas la jeune femme.

Il en fallait plus pour décourager la vaillante Tokoyo. La nuit venue, elle déroba la barque d’un pêcheur. Jusqu’à l’aube, elle rama, luttant de toutes ses forces contre les flots agités. Elle rama encore jusqu’au soir, et atteignit enfin le rivage de l’île interdite. Epuisée, elle erra le long d’un sentier taillé dans la falaise et se réfugia dans un petit temple pour dormir.

Au petit matin, des pleurs et des lamentations la réveillèrent. Guidée par ces voix, elle sortit du temple et continua son chemin jusqu’à un promontoire rocheux où le sentier prenait fin. De la pluie et de violentes rafales cinglaient la falaise. Au bord du précipice, dominant le bouillonnement des eaux, se tenait une frêle jeune fille vêtue d’un kimono blanc. Le vent violent soulevait et agitait son grand voile d’un blanc immaculé. Derrière elle, un couple âgé, ses parents, pleuraient à chaudes larmes. Un prêtre se tenait à côté d’eux.

Tokoyo s’avança et interrogea le prêtre afin de comprendre ce qui se passait. Il lui expliqua qu’il s’agissait d’un sacrifice. Tous les ans, les habitants de l’île offraient une jeune femme au dragon marin, Yofuné-Nushi, pour qu’il ne leur envoie pas de tempêtes. A en juger par le déchaînement des vagues, il était plus que temps de procéder au sacrifice annuel, avant que le dragon ne libère sur eux toute sa colère.

Tokoyo offrit de prendre la place de la victime. Elle revêtit le somptueux kimono blanc de cérémonie, coinça sa dague entre ses dents et plongea hardiment dans les eaux tumultueuses. Elle s’enfonça dans les profondeurs, nageant avec énergie pour atteindre le fond, où elle découvrit l’entrée d’une caverne. Dans cette grotte sous-marine se trouvait une petite statue de l’Empereur, gardée par un féroce dragon.

Le monstre se rua sur elle. C’était une créature terrifiante, aux long corps souple recouvert d’écailles brillantes, aux crocs puissants, aux yeux flamboyants. Mais Tokoyo, sans hésiter, lui enfonça sa dague dans l’œil. Le dragon furieux l’assaillit de nouveau, mais la jeune femme esquiva la charge de l’animal à moitié aveuglé, et le frappa une deuxième fois. La bête expira, et son corps commença à dériver. Tokoyo s’empara de la statue de l’Empereur et s’accrocha au cadavre du dragon. Elle fut entraînée avec lui par les courants et réussit à regagner la surface.

Les habitants de l’île l’aidèrent à sortir des flots et la remercièrent d’avoir vaincu le monstre qui les terrorisait depuis si longtemps. Tokoyo fut conduite avec tous les honneurs devant le seigneur de l’île. Celui-ci lui apprit que la statue qu’elle avait ramenée était l’objet d’un maléfice. En la sortant de la mer, Tokoyo avait rompu ce maléfice, libérant l’Empereur de sa mystérieuse maladie.

Lorsque le souverain retrouva ses esprits et apprit qui l’avait sauvé, il fit délivrer le samouraï exilé. Tokoyo et son père retrouvèrent leur pays natal et depuis ils vécurent heureux et furent considérés avec respect.


 

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