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Le deuil d'Isis et la résurrection d'Osiris
Partie III

 

Et alors Isis se réfugia à Bouto, la ville où elle était née, au milieu des marais et des roseaux qui la protégèrent contre les entreprises de Typhon. Et après elle, plus d'une fois, ces mêmes marais et ces mêmes roseaux ont protégé aussi le Pharaon contre les attaques de ses ennemis. C'est là qu'elle mit au monde son fils, le jeune Horus ; c'est là, au milieu des roseaux, qu'elle l'allaita et qu'il grandit ; c'est là qu'elle l'éleva en secret, loin des embûches du Malin. Cependant celui-ci, Seth-Typhon, chassant au clair de lune, aperçut le coffre dans le lieu détourné où Isis l'avait retiré. Il l'ouvrit et reconnut le cadavre d'Osiris. Tout de suite, il déchira les restes de son frère, il découpa le corps en quatorze morceaux qu'il dispersa au hasard de côté et d'autre, afin de supprimer complètement les traces de son crime.

La malheureuse Isis apprit bientôt le forfait et elle reprit son douloureux pèlerinage en quête des lambeaux de la chair d'Osiris .Un à un, elle réussit à les retrouver, à l'exception d'un seul tombé dans le fleuve et que l'oxyrrhynque avait aussitôt dévoré gloutonnement, comme il dévore tout ce qu'il peut attraper des rebuts jetés au Nil. A mesure que la déesse retrouvait les lambeaux lamentables, elle élevait à chacun d'eux une sépulture, au lieu même où elle les avait ramassé, et elle laissa croire aux prêtres de quatorze sanctuaires que chacun d'eux possédait le corps entier d'Osiris, et ces sanctuaires sont les étapes du douloureux voyage qu'on appelle "la quête d'Isis". Quand elle eut rassemblé tous ces pauvres débris, la déesse Isis appela à son aide Nephthys, sa sœur, et Horus, son fils chéri, et Thot l'ibis et Anubis le chacal. Et ensemble, eux, les héritiers de la science d'Osiris, les confidents de ses pensées, ils trouvèrent dans ses enseignements mêmes du dieu le secret de le rappeler à une vie nouvelle. Mieux encore, Isis inventa le " remède qui donne l'immortalité". Avec Nephthys et Horus et Thot et Anubis, elle disposa les restes d'Osiris et les embauma et les transforma en une momie impérissable, capable de supporter éternellement l'âme de ce dieu, et ce fut la première des momies.

Car Anubis le chacal avait depuis longtemps déjà la science mystérieuse qui assure la persistance infinie de la chair. Pourtant il ne réussissait à obtenir qu'un corps desséché, immobile et glacé, que le Double ne pouvait ni soulever ni faire remuer et qui le condamnait à mener une existence ténébreuse. Thot et Isis et Horus voulurent qu'Osiris fût plus favorisé. Ils ajoutèrent cette fois à la préparation de la momie des rites magiques qui devaient procurer à la chair desséchée une nouvelle existence. Et voici comment ils s'y prirent. Isis avait, au moment de ses trouvailles, revivifié l'un après l'autre chacun des membres du dieu mutilé. Elle enveloppa ces membres dans une figure faite de cire et d'aromates, et de terre mélangée de blé, et d'encens, et de pierres précieuses, de la grandeur d'Osiris et faite à sa ressemblance. Ensuite, elle fit sur cette figure des opérations magiques. Et Isis et Nephthys lui dirent :"Tu as repris ta tête, tu as resserré tes chairs, on t'a rendu tes veines, tu as rassemblé tes membres". Et Sibou, le père d'Osiris, présidait la cérémonie, et Râ, du ciel, envoyait les déesses Vautour et Urus, celles qui ceignent comme d'une couronne le front des dieux, mettre en place la tête d'Osiris et consolider sa nuque.

Et la statue fut revêtue d'un linceul de lin bien ajusté. Alors Isis et Nephthys, en robes de deuil, les cheveux dénoués, se meurtrissant la poitrine de coups, se mirent à chanter lamentablement, suppliant Osiris de revenir habiter sa forme reconstituée. Isis chanta en embrassant les pieds de la momie :"Viens vers ta maison, tes ennemis ne sont pas ici. Viens vers ta maison! Regarde-moi, c'est moi, ta sœur que tu aimes, ne t'écarte pas de moi. Viens vers ta maison tout de suite! Quand je ne te vois plus, mon cœur se plaint de toi, mes yeux te cherchent, je cours de tous côtés pour te voir. Viens vers celle qui t'aime, Ounnefer, viens vers ta sœur, viens vers ta femme ; ô toi dont le cœur ne bat plus, viens vers ta maison, ne t'éloigne pas de moi ; les dieux et les hommes te pleurent tous ensemble ; et moi, je t'appelle, en pleurant aussi haut que le ciel...Tu n'écoutes pas ma voix ?C'est moi que tu aimas sur terre, et tu n'aimes nulle plus que moi". Et Nephthys, penchée sur la tête de la momie, dit à son tour :"O beau prince, viens vers ta maison pour réjouir mon cœur. Aucun de tes ennemis n'est ici ; ce sont tes deux sœurs qui sont à tes côtés pour garder ton lit funéraire et pour t'appeler en pleurant ; retourne-toi sur le lit pour les voir...Tes ennemis sont abattus. Me voici avec toi pour protéger tes membres. Viens vers nous, notre prince, notre seigneur. Ne t'éloigne plus de nous".

Ils enveloppèrent encore la momie d'un autre linceul de lin qu'ils fixèrent avec des bandelettes ; puis ils tracèrent sur les bandelettes des figures sacrées et des formules magiques , ils déposèrent sur les membres des amulettes recelant des charmes puissants ; ils tracèrent ensuite sur les planches du cercueil et sur les murs de la chambre mortuaire les scènes de l'existence terrestre et de la vie d'outre-tombe en chantant des incantations pour rendre à Osiris l'usage de ses yeux pour voir, de ses oreilles pour entendre, de sa bouche pour manger et parler, de ses mains pour agir, de ses jambes pour marcher et ces formules sont écrites dans "le Livre de l'ouverture de la bouche".

Et ils firent encore autre chose. Ils dressèrent à côté du cercueil qui contenait la momie une statue faite à la ressemblance du vivant. Et ils la remirent aux mains des habilleurs qui lui firent subir une toilette minutieuse, ablutions, fumigations, encensements, onctions du fard, puis ils revêtirent la statue de bandelettes vertes, rouges, jaunes et blanches, d'armes et de couronnes. Ensuite, ils firent fabriquer soit en cornaline, soit en pierreries, soit en or, la croix ansée, signe de vie, les liens de cou, de poignets, de chevilles, toutes les amulettes destinées à éloigner Seth l'adversaire et l'ennemis et à le frapper d'impuissance.

Et à la statue aussi ils chantèrent les chants magiques pour ouvrir sa bouche, ses yeux et ses oreilles, pour délier ses bras et ses jambes, pour donner le souffle à son gosier et pour susciter les battements de son cœur. Et les formules qu'ils prononcèrent étaient si puissantes que le double, cette statue à l'image d'Osiris, vit et entendit, parla et mangea, assis devant une table chargée de toutes les choses bonnes et pures que donne le ciel, que crée la terre, que le Nil amène de sa cachette. Et les pains, les viandes, les fruits, les boissons écartent à jamais de lui toute menace de soif ou de faim. Et, ressuscité, Osiris aurait pu reprendre sa place parmi les hommes et quelquefois il lui est arrivé de se montrer à ses fidèles serviteurs. Mais il ne voulut pas séjourner dans les villes comme l'avaient fait ses ancêtres. Ils préféra la Prairie du repos au milieu des marais dans les îlots sablonneux à l'abri des inondations du Nil. Ce fut le premier royaume d'Osiris où il mena une existence toute semblable à sa vie première, mais sans vieillir jamais. Plus tard, il s'en alla, franchir les mers, s'arrêta peut-être sur la côte phénicienne du côté de Byblos et s'éleva enfin au Ciel dans la Voie lactée entre le nord et l'est, plutôt du côté du nord.

Là est son royaume éternel. Le soleil et la lune l'éclairent en même temps. Quand il fait chaud au milieu du jour, le vent du nord souffle pour rafraîchir l'atmosphère, les moissons y sont abondantes et magnifiques. Des remparts épais protègent ce séjour des entreprises de Seth et des esprits malfaisants. Un palais semblable à celui de Pharaon, mais mille fois plus beau, s'y élève au milieu de jardins délicieux. Osiris entouré des siens y mène une vie tranquille où abondent tous les plaisirs de la vie terrestre sans aucune de ses douleurs. Cependant Osiris, Ounnefer-le-bon, le type de la bonté parfaite, a voulu ouvrir les portes de son paradis aux âmes de ses anciens sujets fidèles, ceux qui sont les suivants d'Horus, afin que ceux qui ont été bons sur la terre, qui ont compris les enseignements sacrés et qui ont suivi la voie droite, mènent dans l'autre monde une heureuse existence et jouissent du bonheur éternel auprès du dieu qu'ils ont adoré et honoré pendant leur vie humaine.

 

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