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Horus

 

Horus ne mourut pas tout à fait sur la terre. Comme le grain enseveli en novembre sort du sol au printemps, comme l'arbre qui pousse des branches nouvelles, comme le Nil que la crue annuelle réveille de sa mort apparente, il avait laissé un rejeton. Le fils d'Osiris, comme le blé nouveau, comme le Nil rajeuni, comme le bourgeon qui éclôt, était né après la mort de son père. Isis le mit au monde dans les marais du lac Burlos, non loin de Bouto dans le delta, où elle s'était cachée en un endroit qui s'appelle Chemnis, au milieu des grands roseaux. C'est là qu'elle garda et éleva dans la solitude, sans que nul œil sût où il était, pour le garder des entreprises et des attaques de Seth, le mauvais. Tant qu'il fut en bas âge, il vécut tout nu, car il fait chaud dans les marais du Nil, paré et vêtu seulement de ses colliers et de ses bracelets, choisis pour leurs vertus magiques qui devaient écarter les ennemis du petit enfant. Sa mère, accroupie sur la terre pour être mieux cachée, le berçait sur ses genoux et le nourrissait de son lait. Et elle lui chantait une chanson qui disait :"Mon fils, Pépi, mon prince, prends mon sein, tette, mon prince, pour que tu vives, mon prince, toi qui est petit, mon prince. "Et parfois, changé en épervier, il tétait sa mère du bout de son bec.

Elle le nourrissait, comme elle se nourrissait elle-même, de graines contenues dans la pomme du papyrus, ces grosses têtes larges et rondes qui se balancent sur des tiges hautes de vingt-cinq pieds, plus grosses que le bras d'un homme. De temps en temps, elle allait jusqu'à la ville passer toute la journée qu'elle employait à mendier. Elle demandait aux gens charitables quelque nourriture et le soir, à son retour, elle prenait Horus dans ses bras, son enfant si beau, son petit garçon en or. Et, un soir, le cherchant parmi les papyrus et les roseaux, elle le trouva sans vie, couché à terre. Le sol était trempé des larmes qu'il avait versées et l'écume souillait ses lèvres. Le petit cœur ne battait plus, les membres pendaient sans force et le corps blême semblait un cadavre.

Isis, la déesse, poussa un immense cri de douleur qui perça le silence, puis elle éclata en lamentations à haute voix, déplorant sa nouvelle infortune. Horus mort, qui restait pour la protéger, pour tirer vengeance de Seth, le méchant? Quand les gens du village le plus proche entendirent ses cris, ils accoururent et partagèrent son affliction ; eux aussi se mirent à pleurer à grands cris, à gémir bien haut. Mais si grandes que fussent leur sympathie et leur pitié, ni leurs larmes, ni leurs cris ne pouvaient rendre la vie au divin Horus! Alors une femme se détacha du groupe et vint tout près d'Isis, la mère éplorée. Cette femme était bien connue dans le village où elle possédait de grandes propriétés. Elle essaya de consoler Isis, la réconfortant, et lui assurant qu'Horus pouvait être guéri. "Car, dit-elle, c'est un scorpion qui l'a piqué. Il a été blessé par le reptile Aunab. "Isis, alors se pencha sur l'enfant pour vérifier s'il respirait encore ; elle vit la piqûre et, regardant de près, elle constata qu'il y avait du poison dans la plaie. Saisissant l'enfant dans ses bras, elle fit avec lui un bond (comme le poisson qu'on a déposé sur les charbons ardents), poussant des hurlements de douleur qui résonnèrent bien loin, bien loin, à travers l'espace...Au bruit de cette explosion douloureuse, la déesse Nephthys, la sœur d'Isis et d'Osiris, accourut, et elle aussi se lamenta et pleura amèrement, partageant le chagrin de la mère. Et arriva aussi la déesse des scorpions : Serquet. Nephthis conseilla à sa sœur d'invoquer Râ, le dieu grand, et d'implorer son secours. Isis obéit. Elle cria, elle appela de toutes ses forces, elle hurla ses supplications désespérées et Râ, le dieu-Soleil, fit arrêter la course de sa barque divine : tout fut suspendu un instant sur la terre entière. Et le dieu Thot sortit alors de la barque et descendit à terre, Thot qui possède les charmes les plus puissants qui soient dans l'univers.

"Qu'y a-t'il? Qu'y a t'il, ô Isis, ô toi, la déesse des sortilèges, toi dont la bouche sait prononcer les maîtres-mots? Certainement, il n'est pas possible que le mal diabolique ait atteint l'enfant Horus? Car il est le protégé de Râ, le grand dieu. Rassure-toi, j'ai quitté la barque divine pour venir guérir ton fils. "Ainsi Thot dissipa l'angoisse du cœur maternel, car il apportait les remèdes et la guérison. Se tournant vers l'enfant inanimé, il commença à réciter ses formules magiques, disant :"Eveille-toi, Horus! Réjouis le cœur de ta mère Isis, et permets à nos cœurs de partager sa joie!" La barque royale de Râ, le grand dieu, s'est arrêtée dans sa course pour le salut d'Horus et de sa mère Isis. Poison, descends dans la terre! C'est la volonté des dieux que moi, Thot, je guérisse l'enfant Horus, que je le sauve pour la consolation de sa mère. O Horus! ô Horus! réveille-toi! tu dois vivre pour ta mère. "Et le petit enfant Horus revint à la vie pour la plus grande joie de sa mère. Alors Thot remonta dans sa barque des milliers d'années qui reprît aussitôt sa course majestueuse, et, d'un bout du ciel à l'autre, tous les dieux se réjouirent dans leur cœur.

Rendu à la vie, Horus continua de grandir, caché parmi les roseaux et les papyrus géants ; il apprit à lire dans les livres et il étudiait sur un rouleau de papyrus étalé sur ses genoux, pour apprendre à déchiffrer les signes sacrés. Il grandit ainsi et Osiris revint une fois sur la terre pour armer son fils et le préparer aux combats. Il lui demanda :"Qu'est ce qui doit être estimé la plus belle action dans la vie d'un homme? "Et Horus répondu sans hésiter :"Venger son père et sa mère de ceux qui leur ont fait du mal. "Alors Osiris résolut d'offrir à son fils le secours d'un animal pour l'aider dans les combats, et il dit à Horus de choisir son compagnon de bataille entre le lion et le cheval. Et Horus préféra le cheval "parce que, dit-il, le lion est bon contre les lâches, mais le cheval permet à son cavalier de poursuivre l'ennemis. "Alors Osiris, rassuré, retourna vivre paisiblement dans l'autre monde. Horus se consacra tout entier au rôle de vengeur de son père. Il chaussa des sandales blanches pour traverser le pays. Il réunit autour de lui les Egyptiens restés fidèles à Osiris et rassurés depuis qu'ils avaient pour chef son propre fils ; on les nomma tantôt les survivants d'Horus et tantôt les serviteurs d'Horus. Ils comptent parmi eux des guerriers armés d'arc, des guerriers armés du boomerang conduits par le loup Ouponat, dont l'insigne est traversé d'une massue. Ils ne perdirent pas de temps pour attaquer les conjurés de Seth. Ceux-ci surpris par l'attaque, se métamorphosèrent en gazelles, puis en crocodiles, puis en serpents, tous animaux impurs et dévoués à Seth. Trois jours durant les chefs se battirent sans résultat, hommes d'abord, puis hippopotames - et la bataille continuait, corne à corne.

Isis, impatiente et inquiète, intervint pour aider son fils. Mais Horus, courroucé, se retourna contre elle comme une panthère du midi, et se mit à la poursuivre. Elle se sauva devant lui, il courut après elle, l'atteignit et, dans sa colère, lui arracha son bandeau royal. Mais Thot veillait : il la coiffa d'un casque à tête de vache, de sorte que souvent, on croit qu'Isis et sa compagne Hathor ne sont qu'une même personne. La guerre ne finit jamais ; le combat continuait sans qu'aucun fût vainqueur, si bien que les dieux appelèrent les deux rivaux devant leur tribunal, et tous deux convinrent d'accepter comme arbitre Thot, seigneur d'Hermopolis. Seth plaida le premier et prétendit qu'Horus ne pouvait pas être considéré comme le fils légitime d'Osiris, puisqu'il était né après la mort de ce dernier. Mais Horus prouva à son tour que le raisonnement de Seth était mauvais, et Thot condamna Seth à restituer au jeune Horus l'héritage d'Osiris. Les dieux ratifièrent ce jugement. Sibou, aïeul des deux plaideurs intervint à son tour : il divisa l'Egypte en deux. Seth eut la vallée du Nil entre Memphis et la première cataracte ; Horus reçut le delta. Ainsi fut coupé en deux l'héritage de Sibou que ses enfants n'avaient pas su garder. Plus tard seulement, les Pharaons réunirent à nouveau les deux royaumes et c'est pourquoi ils portent la couronne rouge du Nord surmontée du bonnet blanc qui était l'insigne des rois du Sud.

NB : D'autres disent qu'Horus reçut l'Egypte entière, tandis que Seth était relégué dans la Nubie, le pays rouge, et le désert de l'Ouest, cela expliquerait pourquoi les habitants de ces contrées ont toujours été les ennemis des Egyptiens.

Car la sentence de Thot, pas plus que l'arrangement de Sibou, ne mit fin à la lutte. Horus et ses Suivants continuèrent de combattre Seth et ses complices, les monstres hideux : hippopotames, crocodiles et les porcs sauvages (l'une de ces batailles est racontée tout au long sur les murs du temples d'Edfou).Vaincues, les hordes de Seth se retirèrent vers le Nord. Mais elles revinrent à la charge et l'on vit, dans une terrible mêlée, s'affronter les bœufs d'Horus et les ânes de Seth. Horus, le magicien, était le premier au combat. Un jour, il s'était métamorphosé en épervier pour s'abattre sur l'échine d'un hippopotame qui n'était autre que Seth. Mais celui-ci, forcé dans son gîte, se changea en gazelle et disparut avant qu'Horus, devenu faucon, ne pu le saisir. Un autre jour il prit, pour effrayer son ennemi, la forme d'un lion à tête humaine, et dont les griffes étaient tranchantes comme des couteaux. Mais Seth s'échappait toujours...Ses compagnons, toutefois, se lacèrent. On les vit s'embarquer sur le golfe de Suez pour retourner aux déserts de Nibie. Ils se croyaient en sécurité sur la mer, leur élément. Cependant Horus les poursuivit, les rejoignit dans la mer Rouge et les dispersa. Puis, il rentra à Edfou célébrer sa victoire.

Désormais, Horus fut le maître légitime de la terre d'Egypte. Et après lui, régnèrent ses descendants, Ménès qui fut le premier roi de la première dynastie des hommes, puis la longue suite des Pharaons de toutes les dynasties égyptiennes. Cependant, Seth n'est pas mort et à chaque heure du jour, le combat reprend entre les Suivants d'Horus, dieu de la lumière et les Serviteurs de Seth, dieu des ténèbres. Et chaque fois que le soleil triomphe des ténèbres et des nuées d'orages, les hommes célèbrent la victoire du vaillant Horus sur l'odieux Seth, aux ruses inépuisables.

 

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