| Récits d'Egypte | Contes du Monde | Menu | AZ |

 

La Quête d'Isis
Partie II

 

Aussitôt son crime accompli, l'assassin, Seth, le dieu méchant, avait pris la précaution d'enfermer Isis dans une chambre de sa maison, afin qu'elle ne pût rechercher le cadavre qu'il avait jeté dans le Nil avec l'aide de ses compagnons. Mais Isis s'échappa de la prison. Elle rencontra Thot, le dieu grand, prince de Vérité, qui lui dit :"Viens, ô déesse Isis, reprends courage et confie-toi à moi, je te guiderai et je t'aiderai. Cache-toi et voici ce qui arrivera : tu auras un fils ; il deviendra grand et il sera beau, et il sera fort. Il siègera sur le trône de son père, et il vengera, et il sera le Roi des Deux-Couronnes ; le plus puissant des monarques qui régents sur la terre. "Mais la déesse Isis à ce moment là ne pensait pas au petit enfant Horus, qui n'était pas encore né. Elle songeait qu'à retrouver le corps de son mari assassiné pour l'ensevelir et le déposer dans sa tombe. Elle réussit donc à quitter la maison de Seth dans la nuit ; grâce à Thot, elle était escortée de sept scorpions qui marchaient auprès d'elle et qui devaient mordre quiconque la menacerait ou même qui tenterait de s'approcher d'elle. Deux d'entre eux ouvraient la marche, explorant la route, deux autres l'escortaient, l'un à droite, et l'autre à gauche, la protégeant sur chaque flanc. Et les trois derniers, l'arrière-garde, la suivaient à peu de distance. Ils avaient tous reçu de Thot des instructions sévères et des ordres stricts : ils ne devaient parler à personne ; ils devaient avancer les yeux fixés à terre pour scruter le chemin, car les serpents et les vipères sont au service de Seth.

Et ceux qui marchaient les premiers, Trefen et Befen, conduisirent Isis jusqu'à la ville de Pa-Sin, à l'entrée des marais des Papyrus. En entrant dans la ville qu'il fallait traverser, l'étrange cortège intrigua les femmes installées à filer leur quenouille sur le pas de leur porte. Craignant sans doute qu'on ne lui demandât asile pour Isis qui se traînait péniblement, fatiguée de la longue étape, l'une de ces femmes rentra chez elle précipitamment et claqua bruyamment la porte au nez de la déesse, tout effrayée qu'elle était à la vue de cette escorte de scorpions. A cette insulte, les sept gardes du corps s'arrêtèrent pour délibérer. Après quoi, l'un après l'autre, ils s'approchèrent de leur chef, Tefen, et chacun à son tour injecta son venin empoisonné dans la queue de Tefen. Pendant ce temps , une paysanne qui habitait un peu plus loin et qui s'appelait Taha, quitta le seuil de sa maison, et s'avança pour accueillir la voyageuse inconnue qu'elle ne soupçonnait guère d'être la déesse Isis. Elle l'invita à prendre du repos chez elle. Isis se réfugia donc dans la masure (vieille maison délabrée) de cette femme pauvre et charitable.

Tefen, le chef des scorpions avec sa queue bien remplie de venin, se glissa sous la porte de la méchante femme qui se nommait Usa, celle qui avait grossièrement fermé sa porte au nez de la déesse, et il piqua le petit enfant de Usa, et, du coup, voilà que par sortilège le feu prit à la maison qui se mit à flamber et il n'y avait d'eau nulle part pour éteindre le feu. Et le cœur de Usa était plein d'angoisse car elle pensait que son fils allait mourir (on ne vit pas longtemps après avoir été piqué par un gros scorpion).Alors elle se mit à courir à travers les rues de la ville, appelant au secours. Mais personne ne répondait à son appel, personne n'osait sortir de sa maison. Ce fut Isis qui vint à son aide. La déesse eut pitié du petit enfant et elle souhaita dans son cœur que cet innocent fût sauvé. Elle s'écria, appelant la femme Usa :"Viens me trouver, viens me trouver! Ma bouche possède le souffle de vie. Je suis une femme dont on connaît bien le pouvoir dans mon pays. Mon père m'a enseigné le secret qui chasse le démon de la mort. Moi, sa fille bien-aimée, j'ai le pouvoir."

Alors Isis étendit ses mains sur l'enfant dans les bras de sa mère, et récita cette formule :"O poison de Tefen, sors du corps de l'enfant, tombe à terre, ne pénètre pas plus avant son petit corps. O poison de Tefen, sors, tombe sur le sol. Je suis Isis, la déesse, la maîtresse des mots magiques et des charmes puissants. Je sais composer des formules qui guérissent, je sais dire les paroles qui charment le mal. Prêtez l'oreille à mes paroles : que chacun des reptiles qui a mordu voie son venin tomber à terre. Obéissez à ma voix. Je vous parle, ô scorpions. Je suis seule et dans la douleur ; je veux que l'enfant vive et que le poison soit sans action. Au nom de Râ, le dieu vivant, que la force du poison s'éteigne. Qu'Horus soit sauvé par sa mère Isis, et que celui qui a été piqué soit aussi sauvé. Et, tout à coup, bien que ce ne fût pas la saison des pluies, la pluie tomba du ciel sans nuages et la maison incendiée cessa de brûler ; les flammes furent étouffées et tout rentra dans l'ordre. La colère du ciel était vaincue par l'intervention d'Isis.

Et la dame Usa, désolée d'avoir fermé sa porte à la face d'Isis, apporta dans la maison de la paysanne sa voisine des cadeaux pour la déesse, qu'elle se rependait cruellement d'avoir méconnue. Ainsi, le petit enfant fut sauvé grâce aux charmes d'Isis. Et quand sa mère le vit bien portant et gai, elle revint une seconde fois dans sa gratitude, chargée de toutes sortes de bonnes choses pour Isis. Puis la déesse reprit sa route, en quête du corps de son mari. Partout devant elle les méchants esprits des chemins, les serviteurs de Seth, semaient la panique et, saisis d'épouvante, les hommes se cachaient si bien qu'Isis ne rencontrait personne qu'elle pût interroger. Une jour, cependant, elle aperçut des petits enfants qui jouaient sur le bord de la route et elle lui demanda: "Petits enfants, avez-vous vu passer par ici des hommes qui portaient un coffre très long et très lourd?" "Oui, dirent-ils, nous les avons vu. C'est dans la branche du Nil qui passe à Tanis qu'ils ont jeté le coffre et c'est par là que le flot a dû depuis longtemps l'entraîner jusqu'à la mer."

"Oh, dit Isis, se lamentant et gémissant de douleur, maudite, maudite soit cette branche du Nil. Mais vous, petits enfants, quand votre bouche dira des mots au hasard pendant que vous jouez dans la cour du temple, les sages vous écouteront, et dans les temps futurs, on tirera de vos paroles enfantines des présages parce que vous avez donné à Isis en quête des indications précieuses. "Et elle reprit son chemin, toujours accompagnée des fidèles scorpions. Elle suivait les traînées de mélilot qui poussent le long des routes, car elle savait que là où Osiris était passé, le mélilot avec ses petites fleurs jaunes pousse et elle suivait la trace d'Osiris grâce au parfum et aux fleurs. Elle marcha longtemps, longtemps, car le coffre contenant les restes d'Osiris avait été porté par les vagues de la mer jusqu'à Byblos en Syrie, la ville d'Adonis. Le coffre avait échoué sur le rivage et un buisson le cachait aux regards. Par la vertu du cadavre divin, ce buisson devint un gigantesque acacia, si grand et si beau et si dru que son tronc poussa autour du coffre, l'enveloppa et le dissimula entièrement. Si bien qu'un jour, Malcandre, le roi du pays, découvrant cet arbre magnifique, le fit couper et, sans soupçonner l'existence du coffre, en fit faire une des colonnes qui soutenaient le toit de son palais.

C'est après cela que la malheureuse Isis, toujours en quête, arriva enfin à Byblos. Lasse et toujours affligée, elle s'assit auprès d'une fontaine et ne parla à personne. Elle attendait la nuit pour se transformer en hirondelle et c'est ainsi qu'elle découvrit le tronc d'acacia transformé en colonne au palais du roi Malcandre et contenant toujours le cercueil d'Osiris. Une hirondelle venait chaque nuit voleter autour de cette colonne en poussant à chaque seconde des cris de douleur, mais personne n'y prêtait attention. Enfin la déesse se décida à agir. Un matin, quand les servantes de la reine vinrent à passer auprès de la fontaine, elles aperçurent cette femme affligée et silencieuse comme à l'ordinaire. Mais ce matin-là, elle les salua et entama avec elles une conversation. Les femmes de la reine, toujours curieuses, ne demandaient pas mieux que de bavarder. L'étrangère leur offrit d'arranger leurs cheveux et de les tresser à la mode de son pays ; elle leur fit respirer l'admirable odeur dont ses cheveux étaient parfumés et elle proposa de leur en procurer. Bien entendu, elles se laissèrent parer, coiffer et parfumer à la mode du pays lointain de cette inconnue. Lorsqu'elles revinrent au palais, la Reine flaira ce parfum des dieux et, informée, elle demanda bien vite à voir l'étrangère. Elle l'envoya chercher et celle-ci lui plut.

Elle la garda auprès d'elle comme une amie et même, bientôt, elle la chargea de veiller sur son petit enfant. Cette reine, femme du roi Malcandre, était la reine Nemanou. Elle avait pleine confiance en sa nouvelle amie. Bien entendu, la reine ne se doutait pas du tout des procédés étranges de la nouvelle gouvernante.

Elle ne savait pas que pour nourrir ce petit, Isis se contentait de lui mettre un doigt dans la bouche. La reine ne soupçonnait pas non plus que, chaque nuit, Isis, transformée en hirondelle gémissante, reprenait sa folle envolée autour de la grande colonne du palais et cherchait un moyen de s'emparer de cette colonne et de son contenu. Il vint pourtant une nuit où la reine Nemanou, inquiète, se leva et alla voir ce qui se passait dans la chambre de son petit enfant. O surprise, le petit enfant dormait paisiblement, mais il était environné de hautes flammes, brûlant sans fumée autour de lui, tandis que sept scorpions de grande taille le veillaient attentivement. Aux cris de la reine, le roi Malcandre, les serviteurs, et même la gouvernante Isis, tout le monde accourut. Et d'un geste, Isis eut tôt fait de faire tomber les flammes. Les scorpions disparurent. Et Isis dit tristement à la reine :"Tu n'as pas eu confiance. Ton fils ne sera jamais immortel."

Chaque nuit, la déesse le plongeait dans le feu pour le purifier de ses éléments terrestres. Mais c'est fini. Jamais plus la déesse ne pourra recommencer. La reine fut attristée au-delà de ce qu'on peut penser. Quand au roi, tout honoré d'avoir abrité sous son toit une déesse, il demanda ce qu'il pouvait faire pour la remercier. Isis lui demanda la grande colonne. A l'instant même, le roi fit venir des charpentiers et, d'un coup de hache on abattit l'acacia. Isis elle-même en fendit le tronc. Après avoir arraché le cercueil d'Osiris, elle parfuma ce tronc, qui l'avait contenu, avec une précieuse essence, elle l'enveloppa d'une toile fine et elle le confia au roi et à la reine et aux gens de Byblos qui en firent un objet de vénération. Alors, Isis, la déesse, se mit en route, emmenant avec elle le cercueil qui contenait le corps d'Osiris, son frère et son mari. Le roi Malcandre la fit accompagner par ses deux fils aînés pour lui faire honneur. A peine en route, Isis fit arrêter la caravane. Elle fit ouvrir le coffre pour contempler le visage insensible de son époux. A cette vue, ses cris de douleur, ses gémissements remplirent l'espace vide d'une telle horreur que le plus jeune des fils du roi en resta stupide pour le restant de sa vie.

Cependant Isis, penchée sur le coffre ouvert, avait posé son visage contre celui d'Osiris et elle se lamentait. Tout à coup, levant la tête, elle s'aperçut que le fils aîné du roi l'observait curieusement. Indignée d'être ainsi épiée, elle le foudroya d'un regard terrible. Saisi d'une terreur insurmontable, il mourut sur-le-champ. Sans se soucier davantage du sort des princes de Byblos, Isis se remit en route. Après bien des peines, elle ramena le coffre et les restes d'Osiris en Egypte. Elle le déposa dans les environs de Bouto en un lieu solitaire et détourné où personne n'allait jamais.

 

Copyright © www.ygora.net  2000-2005 - Tous droits réservés.