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Osiris
Partie I

 

Nouît, la déesse du ciel et Sibou, le dieu de la terre, s'étaient mariés sans le dire à Râ, qui ne leur aurait pas permis. Il se fâcha en effet dès qu'il fut averti de leur union.

Il jeta sur Nouît un charme puissant destiné à l'empêcher à jamais d'avoir des enfants en tel mois et en telle année que ce fût. Il voulait ainsi la punir d'avoir épousé Sibou sans sa permission. Nouît fut désolée. A quoi bon se marier si l'on ne peut avoir d'enfants? Mais le dieu Thot eut pitié d'elle et de son chagrin. Il joua avec la lune une partie de dames, et il gagna la partie. Il recommença et il gagna encore. Après plusieurs parties, comme il gagnait toujours, il tint la lune à sa discrétion. Il se fit donner par elle un septante-deuxième de ses feux et de sa lumière : de quoi fabriquer cinq jours entiers.

Or ces cinq jours n'appartenaient à aucun mois, ils étaient en dehors de l'année et du calendrier : de sorte que Nouît put, au cours de ces jours-là, mettre au monde plusieurs enfants, échappant ainsi à l'interdiction de Râ. Elle en eut cinq, les uns après les autres. Le premier des cinq jours arrachés à la lune, ce fut Osiris qui naquit à Thèbes. Il avait un beau visage, un teint mat et foncé, il était grand : sa taille dépassait cinq mètres. Au moment de sa naissance, on entendit une voix mystérieuse annoncer que le "maître de toutes choses était apparu à la lumière".

Des cris de joie s'entendirent sur toute la terre, mais bientôt après on entendit des pleurs et des lamentations, car la voix, continuant à prophétiser, annonçait que de grands malheurs attendaient le nouveau-né. Un certain Pamylès de Thèbes, qui s'en allait chercher de l'eau dans le temple, entendit - et il fut seul cette fois à entendre - la voix qui lui ordonnait de proclamer qu'Osiris, le grand roi, le bienfaiteur de l'Univers, venait de naître. Il obéit et, pour cette raison, les dieux chargèrent ce Pamylès de nourrir l'enfant et de l'élever en le préparant à une extraordinaire destinée.

Quand Râ, lui aussi, de sa résidence lointaine, il entendit l'écho et le bruit de ces annonces, il se réjouit dans son cœur parce que, depuis longtemps, il avait pardonné à Nouît. Il fit venir son arrière-petit-fils auprès de lui et il le fit élever comme il convient à l'héritier du trône. Le second jour ce fut Harvêris qui naquit et le troisième jour ce fut Seth ; le quatrième jour vit naître à la lumière Isis et enfin, le dernier jour, ce fut le tour de Nephthis ; tous étaient les enfants de Nouît et les arrière-petits-enfants de Râ.

Osiris grandit encore, et plus tard il épousa Isis sa sœur, et lorsqu'il devint roi, elle l'aida activement dans toutes ses entreprises. En ce temps là, les Egyptiens étaient encore à demi sauvages ; ils se dévoraient les uns les autres , ils vivaient en mangeant les fruits de la terre quand ils les trouvaient, mais ils ne savaient rien faire par eux-mêmes. A peine étaient-ils capables de se défendre contre les bêtes sauvages.

Osiris leur apprit à reconnaître les plantes qui pouvaient les nourrir : le blé, l'orge et la vigne qui jusque là croissaient pêle-mêle avec les mauvaises herbes. Il leur enseigna l'art de fabriquer une charrue pour labourer et une houe pour travailler la terre, et il leur fit retourner les champs et il en fit chasser le trop-plein d'eau ; il leur montra comment on sème et comment on récolte le blé et l'orge, comment on taille la vigne.

Devant les hommes émerveillés, Osiris pressa les grappes et il but la première coupe de vin. Et même, comme tous les terrains ne sont pas propres à la vigne, il montra aux hommes comment on peut fabriquer avec de l'orge une boisson fermentée, la bière.

Isis, à son tour, leur expliqua qu'on ne doit pas manger son semblable ; elle les soigna et guérit leurs maladies en leur donnant de bons remèdes et en chassant par sa magie les démons, causes de leur mal. Elle leur enseigna aussi à vivre ensemble dans leur maison, mari et femme avec leurs enfants. Elle leur apprit à couper les gerbes de blé, à moudre le grain entre deux pierres plates, à pétrir la farine en pâte et à cuire le pain. Elle tourna du fil avec la tige du lin. Elle inventa aussi le métier à tisser et sa sœur Nephthis s'assit devant, tendit les fils, lança la navette et ourdit la toile, puis toutes les deux ensemble la blanchirent. Les hommes ne savaient pas non plus que la terre renferme des richesses. Osiris leur apprit à reconnaître les métaux dans leur gangue, il leur fit travailler l'or et forger l'airain ; ils surent désormais fabriquer des armes pour tuer les bêtes féroces, des outils pour travailler et même plus tard des statues représentant les dieux. Car Osiris leur apprit à respecter les dieux, à leur rendre un culte ; il désigna les offrandes que chacun d'eux reçoit volontiers, régla l'ordre des cérémonies, les paroles qu'il faut prononcer, le ton et la cadence des chants ; il fit construire les plus beaux temples et on tenta de reproduire l'image des dieux. Enfin il bâtit des villes et probablement reconstruisit Thèbes où il était né. Il fit encore autre chose pour les hommes.

Avec Thot, l'ibis, dont les pattes et la queue sont bleues comme le lapis-lazuli et dont le corps est vert comme le jade ; avec Thot, le babouin, le dieu qui sait mesurer le temps, compter les jours, dénombrer les mois, enregistrer les années, Osiris entreprit de donner aux hommes un aperçu de la science des dieux qui connaissent toutes les choses visibles et cachées.

Thot, le seigneur de la Voix, le maître de la parole et des Lions, leur apprit à connaître les signes qu'il a inventés pour noter les paroles, pour garder mieux qu'avec la mémoire, les phrases et les formules auxquelles tout obéit dans l'univers ; et les hommes connurent cette chose merveilleuse : l'écriture. Et ceux qui sont les disciples et les adorateurs de Thot sont tous des savants et des mages, des scribes tout-puissants dont les manuscrits précieux contiennent la science divine. Et Thot et Osiris leur ont appris aussi à regarder et à comprendre le ciel étoilé, et ils leur ont donné aussi le sens d'une vie qui dépasse la destinée terrestre. Osiris voulut ensuite devenir un grand conquérant, dompteur de peuples, après avoir été un roi modèle, juste et pacifique. Il chargea la reine Isis de gouverner l'Egypte en son absence, et, rassemblant une grande armée, il partit à travers toute la terre et toute l'Asie avec Thot, l'ibis, et Anubis, le chacal.

Mais ce fut un conquérant qui n'employait guère la force et la violence et les armes meurtrières. C'est par la douceur et la persuasion qu'il s'emparait des peuples .Les chants où la voix humaine était accompagnée du son des instruments amollissaient l'âme des hommes que sa parole charmait, et ils se laissaient persuader d'apprendre tout ce qu'il avait enseigné aux Egyptiens. C'est alors qu'on l'appela "l'Etre Bon : Ounnefer : celui qui se dévoue au salut des hommes". Nul pays ne lui échappa et il revint aux bords du Nil après avoir parcouru et civilisé la terre d'un horizon à l'autre. Il revint de la Très Verte, dans un bateau dont les rameurs avaient une arme de genévrier et une rame de cyprès. Mais il devait périr par l'ingratitude et l'esprit du mal.

A ces côtés vivait son frère, l'impie et violent Seth, Typhon, tel est le Mal qui subsiste auprès du Bien. C'était le troisième fils de Nouît, blanc de peau et roux de chevelure, roux comme un âne à poil roux (et c'est pour cela que les ânes lui ont été consacrés).C'était un violent, de caractère jaloux et sombre, et méchant. En l'absence de son frère Osiris, il aurait voulu être le roi et le maître de toute l'Egypte, et Isis ne l'avait empêché qu'à grande peine de se révolter. Au retour d'Osiris, il y eut à Memphis de grandes réjouissances pour fêter le voyageur qu'on se plaisait à proclamer le Seigneur des champs verdoyants, le Maître de la vigne en fleur et le Dieu du grain de blé. Seth saisit cette occasion pour s'emparer du trône.

Comme un bon frère, il invita Osiris à un grand repas qu'il offrit en son honneur, assisté de septante-deux officiers qui lui étaient dévoués, ses complices. Il avait pris furtivement la mesure de la taille d'Osiris et il avait fait faire un immense coffre de bois précieux curieusement travaillé, de la même grandeur. Il donna l'ordre d'apporter cette caisse au moment du banquet dans la salle où étaient les convives. Tous se récrièrent avec admiration sur la beauté de l'objet.

Comme ils semblaient convoiter ce chef-d'œuvre, Seth se mit à rire et à dire en plaisantant qu'il en ferait volontiers cadeau à celui de ses hôtes qui le remplirait exactement quand il y serait couché. Bien vite ils s'y installèrent les uns après les autres pour remplir le coffre mais , celui-ci ne convenait à aucun d'eux.

Osiris à son tour s'y coucha. Aussitôt les conjurés s'empressèrent de l'entourer, de rabattre le couvercle, de le clouer solidement et de le fermer exactement. Ensuite d'un seul élan, ils le soulevèrent, le balancèrent et l'envoyèrent dans le Nil où le courant le reçut et l'emporta jusqu'à la mer.

A la nouvelle de ce crime horrible, partout la terreur s'empara des hommes et même des dieux. Bien vite, les dieux amis d'Osiris se cachèrent dans des corps d'animaux pour échapper à la méchanceté de Seth, qui, sans nul doute, leur eût fait subir le même sort qu'à son frère s'il eût pu les atteindre. Isis entra en grande détresse, elle déchira ses vêtements, coupa ses longs cheveux en signe de deuil et partit, égarée, à la recherche du coffre. Elle courait de tous côtés, dévorée par l'inquiétude et s'informant auprès de tous ceux qu'elle rencontrait. Elle chercha longtemps, sans jamais se reposer, c'est "la quête d'Isis". Elle fit le tour du monde en se lamentant, décidée à ne pas s'arrêter sans avoir retrouvé l'objet de sa recherche.

 

 

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