Le loup dans la littérature Dans toutes les cultures, un animal incarne nos frayeurs et dans les contes occidentaux, le loup est omniprésent.
Sa quasi?disparition n'a en rien anéanti sa force symbolique, car il incarne nos peurs nocturnes. On lui accorde volontiers l'image du père séducteur et du désir sexuel avoué, comme le montre Perrault dans sa morale qui fait suite au conte du Petit Chaperon Rouge
On voit ici de jeunes enfants, Surtout de jeunes filles, Belles, bien faites, et gentilles Font très mal d'écouter toute sorte de gens Et que ce n'est pas chose étrange, S'il en est tant que le loup mange. Je dis le loup, car tous les loups Ne sont pas de la même sorte. II en est d'une humeur accorte Sans bruit, sans fiel et sans courroux, Qui privés, complaisants et doux, Suivent les jeunes demoiselles Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles; Mais Hélàs ! qui ne sait que ces loups doucereux, De tous les loups sont les plus dangereux.
Le loup est l'un des animaux que l'on retrouve le plus fréquemment dans les contes et légendes traditionnels.
A la fois détesté et aimé, inspirant la peur et l'admiration, il est doté de pouvoirs maléfiques ou protecteurs.
Des générations de conteurs ont mis en scène sa cruauté ou sa beauté, sa ruse ou sa bêtise ...
Les Bestiaires (genre littéraire en Europe occidentale du Ne au Xllle siècle).
Ils associent la description d'espèces animales aux enseignements de la foi.
Les auteurs dévoilent la vraie nature du loup : rapace, d'une voracité terrible, plus dangereux solitaire que grégaire, fort par devant et faible par derrière.
L'interprétation de chacun de ces traits permet d'inscrire le loup dans une typologie chrétienne et d'en faire un exemple vivant de vertus ou de vices.
Dans le Roman de Renard (Xlle et Mlle siècle), le loup Ysengrin représente le mauvais baron pillard, paillard et brutal.
C'est l'image du loup bête et vorace qui cherche à dévorer un plus petit que lui (faim ou désir de pouvoir), mais les petits se débrouillent pour lui échapper!
Ces récits étaient une façon à cette époque où le loup était si répandu, de chasser la crainte qu' inspirait ce fauve.
L'image médiévale du loup est celle du diable et pendant des siècles cette image à caractère fantastique a fait force de loi.
Les Fables (répertoire pleins d'animaux aux sentiments plus ou moins humains, prétextes ou modèles) Au moment où la nature apparaît comme un bien à conserver et non plus à domestiquer ou à vaincre, le loup reprit du poil de la bête en incarnant la vie du bon sauvage. Déjà La Fontaine l'avait présenté comme un amoureux de la liberté (le Loup et le Chien)
Avec Alfred De Vigny, le loup devient le symbole de la dignité et du stoïcisme (la Mort du Loup, poème de 1838)
Le développement des sciences expérimentales aux XIXe et XXe siècle propose une vision du monde animal moins humanisée, plus appuyée sur l'observation.
Une vision réaliste avec Jean?Henri Fabre, Maurice Maeterlinck.
Le loup est l'héritier d'une longue lignée et ne saurait mourir. Chassé, piégé, perdu, écorché, éviscéré, lacéré de pierres, il ressucite inlassablement. C'est aussi un acteur de choix de la littérature orale puis écrite et les mêmes thèmes resteront présents jusqu'au XIXe siècle.
La morale non plus ne change pas : la raison du plus fort est toujours la meilleure (le Loup et l'agneau, fable de 1668).
C'est ce mythe du personnage cruel, flagorneur, glouton, insidieux, faux, impie et affligé de tous les défauts que les contes (auxiliaires d'éducation) étaient chargés de véhiculer.
Dans le Petit Chaperon Rouge: que ce soit un récit traditionnel issu de Touraine, du Nivernais ou des Alpes, le message transmis est le même
peur, initiation sexuelle, dévoration. Seule la manière de le transmettre change.
Perrault inflige une triste fin à celle qui succombe au loup doucereux tandis que chez Grimm, c'est la pureté de l'enfant qui l'emporte sur la malveillance.
Dès le XVllle siècle, des auteurs ont repris les thèmes des contes populaires hérités de la tradition orale pour les transformer en un discours visant à contraindre les enfants à se conformer aux règles du code social prôné par la société d'alors.
Les enfants ont une attirance pour les histoires de loup car elles leur permettent un retour au stade oral. Le désir d'être dévoré est un fantasme de retour à la vie intra?utérine pour être ensuite ré?enfanté.
Le loup dévorateur n'écoute que ses propres désirs, et c'est ce qui le fait aimer.
Le loup peut être aussi doté de pouvoirs magiques (Dix contes de Loups, de JeanFrançois Blade 1827?1900, puisés dans la littérature orale de Gascogne).
Dans la messe des loups on retrouve le pouvoir magique de ses attributs phalliques : la queue et les oreilles. Un père malade guérira quand son fils lui restituera symboliquement sa virilité en lui donnant à manger une queue de CuréLoup! Et dans Petiton, c'est un homme qui se sert du corps bien vivant d'un loup (recouvert de la peau d'un bélier) pour tuer des brebis ... en faisant croire que le bélier n'a pas son pareil pour couvrir 100 brebis en une nuit.
Dans la chèvre de Monsieur Seguin d'Alphonse baudet, le loup est le père dévorateur et castrateur. La dévoration représente à la fois le plaisir recherché et la punition infligée où la victime est en partie complice.
En 1867, le Magazine illustré des enfants publie : Compère Loup n'est plus méchant!
Au XIXe siècle, le mythe du progrès (révolution industrielle) rivalise avec l'idée de la supériorité de la nature, mais celle?ci est mieux observée et les loups perdent un peu de leur mauvaise réputation. En même temps, s'installe un courant d'inspiration romantique
la sincérité des rapports animaux, les rythmes de la nature s'opposent à l'intelligence, aux cadences industrielles.
Les loups exotiques de l'Inde et du Grand Nord sont réhabilités.
Dans le livre de la Jungle (1894), Rudyard Kipling s'inspire de son expérience des Indes et de l'engouement du siècle pour les enfants?loups. Les aventures de Mowgli fonctionnent sur le principe de la métonymie Mowgli représente l'humanité originelle et les loups stigmatisent les limites d'une société. Ce jeu de référence en réseau prend tout son sens dans la conclusion du récit. Le jeune garçon répond à l'appel de la nature et rejoint les hommes, comme le loup de Jack London répond à l'appel de la forêt (1903).
Jack London a une approche plus naturaliste comme dans Croc?Blanc qui retrace l'histoire d'un loup au courage exceptionnel. D'abord victime de la cruauté de ses congénères, puis de celle des hommes, il devient ensuite le grand ami d'un maître subjugué par sa force de caractère. On assiste à une vénération réciproque de l'homme et du loup.
En 1963 Farley Mowat publie Never cry Wolfs, repris plus tard par Castor Poche Senior sous le titre Mes amis les Loups. Grâce à cette vulgarisation des connaissances, les loups n'ont plus systématiquement le mauvais rôle.
Mais il faudra attendre les années 70 et le changement de statut de l'espèce pour qu'une réelle démarche de réhabilitation soit entreprise. Le film de Kevin Costner Danse avec les loups (1991) illustre bien ce nouvel état d'esprit. Les loups, tout comme les Indiens massacrés par la civilisation, sont le symbole d'une vie libre et heureuse.
Au risque de nouveaux fantasmes où le loup est le Bien et l'homme, le Mal
Les loups de la fable n'ont pas disparu pour autant, mais ils ont perdu leur caractère effrayant. Même si dans Pierre et le loup mis en musique par Prokofiev en 1936, le canard se fait dévorer, on peut encore entendre à la fin l'instrument qui le représente car le loup l'a avalé vivant. Et Pierre est tout fier d'avoir triomphé du loup.
Sous la plume de Marcel Aymé (les contes du Chat Perché, 1939), les enfants en viennent à se poser cette question cruciale
Faut?il vraiment avoir peur du loup ?
Dans certains contes modernes, le loup sera si gentil qu'il renoncera même à manger les enfants et deviendra presque végétarien.
Dans les cartoons de Tex Avery le loup se retrouve dans des situations délirantes (Little rural riding hood, 1949). C'est un éclat de rire salvateur qui chasse la peur ancestrale du loup.
Le loup est toujours très présent dans la littérature pour la jeunesse et récolte toujours un succès considérable.Car l'enfant joue à se faire peur pour mieux contrôler ses angoisses face au monde des adultes.
Le loup est représenté par l'enfant avec des longues dents et des yeux féroces ... pour recréer le regard fâché des parents.
Le loup périt souvent dans les contes et l'enfant terrasse l'ennemi soit seul, soit aidé par l'adulte. Les enfants s'identifient aux héros alors autant leur proposer des personnages positifs!
A cinq ans l'enfant a tendance à confondre réalité et imaginaire et les contes doivent rassurer. Cette exploitation du loup se fait sous différentes formes ...
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