Les petits
garçons et le Diable
Deux petits garçons étaient un jour au
bois à cueillir des fleurs pour s'en faire un bouquet. Ils s'attardèrent dans leur
recherche, et lorsqu'ils voulurent retourner à la maison, ils s'aperçurent qu'ils
étaient perdus. Ils eurent beau aller de droite, de gauche, d'avant et d'arrière, ils ne
purent retrouver leur chemin. Les petits garçons avaient grand-peur.
« Si le loup vient, se disaient-ils, il nous mangera.
- Oui, aussi il nous faudrait trouver quelque cabane de bûcheron où passer la nuit.
- Comment faire ?
- Monte sur ce grand chêne et vois si tu n'aperçois pas quelque lumière. »
Le petit garçon grimpa le long de l'arbre et, de branche en branche, arriva au sommet. Il
regarda dans toutes les directions et finit par remarquer une lumière brillant dans le
lointain. Il prit son chapeau et le laissa tomber dans la direction de la lumière. Puis
il descendit et partit de ce côté. Comme il avait des haricots dans sa poche, il en sema
sur son chemin de manière à pouvoir le lendemain revenir dans la forêt, et bientôt il
se trouva avec son frère devant un magnifique château.
« Pan, pan ! firent-ils.
- Qui est là ? dit une femme qui vint leur ouvrir.
- Nous sommes deux petits garçons égarés dans la forêt, et nous voudrions que vous
nous logiez pour la nuit. Demain matin, nous retournerons chez nos parents.
- Vous ne savez donc pas que vous êtes dans la maison du Diable et que, s'il vous voit
ici à son retour, il vous mangera ?
- Bonne femme, vous nous cacherez bien, et votre mari n'en saura rien.
- Allons, venez tout de même , je vous mettrai dans un petit cabinet. »
Les petits garçons entrèrent dans le château du Diable ; la bonne femme leur donna à
manger un poulet rôti et leur fit boire son meilleur vin ; puis elle les fit coucher dans
le petit cabinet dont elle avait parlé. Vers minuit, le Diable rentra.
« Femme, je sens la viande fraîche, la chair de chrétien !
- Tu te trompes, sans doute ; à moins que ce ne soit ce hibou qui a passé tout à
l'heure et qui a laissé tomber un os dans la cheminée.
- Non, non, c'est la viande fraîche que je sens ! »
Le Diable fureta partout et finit par trouver les petits enfants.
« Femme, prends ces garçons et mets-les à la broche.
- Ce n'est pas nécessaire pour aujourd'hui ; je t'ai fait cuire un jeune agneau et il est
tout prêt à être mangé.
- Alors, ce sera pour demain ; en attendant, mets les enfants dans le tonneau. »
La femme fut forcée de placer les petits dans un tonneau vide mais elle leur donna une
queue de rat en leur disant de la présenter au Diable si celui-ci venait avant le jour.
Lorsque le Diable eut fini de manger, il eut encore faim et il alla au tonneau pour y
prendre les enfants.
« Donne-moi ton bras, toi, l'aîné ! dit-il à l'ouverture.
- Le voici, dit le petit garçon en avançant la queue de rat.
- Tu as les bras aussi maigres que cela ? Alors, je vais te laisser ici avec ton frère
jusqu'à ce que vous soyez grossis.
Le Diable alla se coucher en songeant au bon repas qu'il ferait quand ses prisonniers
seraient convenablement engraissés.
Quand les enfants l'entendirent ronfler, ils sortirent du tonneau, mirent beaucoup de bois
dans la cheminée et s'enfuirent en montant jusqu'au toit. Puis ils crièrent :
« Méchant Diable, méchant Diable, nous sommes sauvés, tu ne pourras jamais plus nous
rattraper ! »
Le Diable se réveilla furieux et vit que les deux petits garçons étaient au-dessus de
la maison.
« Attendez, attendez, je vais vous reprendre et ne faire qu'une bouchée de votre maigre
carcasse ! »
Et il grimpa dans la cheminée. Mais comme il était fort grand et très gros, il ne put
bientôt plus ni monter ni descendre, et il poussait des cris épouvantables, sacrant et
jurant comme un démon qu'il était.
Les petits garçons se hâtèrent de descendre du toit et de rentrer dans le château. Ils
prirent une torche et allumèrent le bois qu'ils avaient mis dans la cheminée. Bientôt
le Diable fut entièrement rôti, et ce fut un démon de moins. La bonne femme était bien
heureuse d'être débarrassée de son vilain mari, et elle dansait et chantait comme si
elle avait été à la noce.
Le matin venu, elle prit toutes ses richesses et en mit la moitié de côté pour ses
petits sauveurs qui, grâce aux haricots qu'ils avaient jetés la veille, purent retrouver
la forêt et le chemin de leur maison.
Avec l'or et l'argent du Diable, ils vécurent heureux, et s'ils ne sont pas morts, ils
doivent être bien vieux, car ma grand'mère tient leur histoire de sa propre grand'mère
morte il y a bien longtemps. |
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